Les étrangers sont nuls

LES ISLANDAIS

Les Islandais sont appelés ainsi pour que nous ne les confondions pas avec les Irlandais qui habitent, eux aussi, une île n'importe où par là, dont tout le monde se fout complètement à partir du cinquantecinquième gréviste de la fin environ.

Une récente statistique, fort révélatrice de la douloureuse pénurie de culture géographique de nos concitoyens, nous apprend que sur dix Français à qui l'on pose la question : « Quelle est la capitale de l'Islande ? », neuf sont incapables de répondre autre chose que « Du diable si je le sais », ou « va te faire enculer », ce qui n'est qu'une façon élégante de dissimuler une ignorance crasse. Le dixième répond « Reykjavik », ce qui signifie « va te faire enculer » en breton.

L'Islande est un grand pays de 103 000 kilomètres carrés uniquement composé de glaciers et de volcans. Autant dire que quand on ne se les gèle pas, on se les broie, ce qui explique en partie l'extrême lenteur du développement du tourisme islandais.
En dehors des militaires américains de la base de Reflavik, qui font briller leurs bombes thermonucléaires avec un chiffon de soie en espérant sans trop y croire le déclenchement de la Troisième, seuls quelques mordus de la pêche à la morue se risquent à passer leurs vacances en Islande. Il faut dire que la pêche à la morue est un sport vivifiant et exaltant, et que pendant qu'on fait ça, on n'est pas au bistrot. Qu'elle est âpre et belle, la lutte entre l'homme et la bête! La morue plie, l'homme se cabre, l'écume écume. Soudain, l'animal moroie*, ses cris atroces s'élèvent au-dessus de la vague en furie, le vent du nord les emporte, et la brise nous les brise. C'est la curée, que nous reconnaissons sans peine à ses seins gonflés sous la soutane.
Mais, Dieu merci,la pêche à la morue n'est pas la seule distraction que l'Islande offre au touriste. Il est d'autres richesses en cette grande contrée sauvage encore marquée du souvenir glorieux des premiers vikings. Par exemple, la pêche au hareng. Qu'elle est noble et rude, la lutte entre l'homme et la bête ! « Quand l'homme entre, le hareng sort », remarquait judicieusement le regretté Jacques Lacan qui vient enfin d'arrêter pour de bon d'écrire des conneries.

En résumé, on peut dire que les Islandais gagnent à être connus. Alors que Julio Iglesias, non.

* La musaraigne glapit, la sarcelle lochére, le chien aboie, la morue moroie. Alors, s'il vous plaît, je vous en prie.


[ - Pierre Desproges - ] [ - Les étrangers sont nuls - ]